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Dermatologie

Publié le  Lecture 14 mins

Les tumeurs cutanées malignes de l’enfant

Sylvie FRAITAG, Anatomo-cytopathologiste, hôpital Necker-Enfants malades, Paris

Les tumeurs malignes de l’enfant sont rares mais représentent une problématique majeure pour le clinicien. Le diagnostic précoce permettant la mise en route d’un traitement adapté est l’un des facteurs essentiels du pronostic. Ainsi, la réalisation d’une biopsie s’impose au moindre doute, en l’absence d’un diagnostic clinique certain.

Les tumeurs cutanées malignes sont rares chez l’enfant et ne représentent que 1,4 % des tumeurs ; les plus fréquentes étant représentées par les hamartomes et les tumeurs bénignes. Environ deux tiers des tumeurs malignes sont primitives, et un tiers sont métastatiques avec, par ordre de fréquence, le rhabdomyosarcome, les leucémies et le neuroblastome (1). La répartition des tumeurs varie selon les tranches d’âge : les tumeurs cutanées malignes (TCM) sont plus fréquentes chez le nouveau-né et le nourrisson que chez l’enfant. Dans la période néonatale, on rencontre en majorité des leucémies (LA), des histicytoses langerhansiennes, des métastases de neuroblastomes, des sarcomes primitifs ou secondaires (2,3) . Ce sont toujours des urgences diagnostiques, les lésions cutanées pouvant être révélatrices d’une tumeur maligne viscérale ou d’une leucémie. Chez l’enfant prépubère, les tumeurs malignes les moins rares sont les sarcomes et les lymphomes ; le mélanome est exceptionnel. Les tumeurs malignes épithéliales ne s’observent que dans des syndromes de prédisposition à des cancers. En période néonatale, la sémiologie clinique des lésions peut parfois permettre d’orienter vers une étiologie plutôt qu’une autre. Par exemple, une éruption papulo-nodulaire d’apparition explosive de couleur bleutée ou violacée ou un aspect de blueberry muffin baby doivent faire évoquer une leucémie aiguë, un neuro-blastome métastatique, voire une histiocytose langerhansienne (3) (tableau 1) ; une tumeur à consistance dure et à surface mamelon-née, un sarcome. La notion d’une génodermatose prédisposant aux tumeurs chez un « grand enfant » (xeroderma pigmentosum, nævo-matose basocellulaire) est une notion essentielle pour éliminer une TCM. Il en est de même en cas d’antécédent de radiothérapie. Le diagnostic doit toujours être confirmé par l’examen histologique d’une biopsie cutanée, d’autant plus que certaines tumeurs bénignes peuvent être inquiétantes par leur taille (hamartomes conjonctifs, xanthogranulome juvénile néonatal) ou leur aspect (myofibromatose infantile), et peuvent mimer des tumeurs malignes. Inversement, certaines tumeurs malignes peuvent mimer des lésions bénignes (dermatofibrosarcomes congénitaux, tumeur fibrohistiocytaire plexiforme). Face à une tumeur de diagnostic non évident, il convient de faire une biopsie en prévoyant, en plus du fragment fixé, un fragment frais pour la congélation, afin de pouvoir réaliser d’éventuelles études cytogénétiques (FISH, CGH array, RNA-Seq, etc.), même si certaines de ces techniques sont parfois désormais réalisables à partir d’un prélèvement fixé dans le formol. Sarcomes Les sarcomes ne sont pas rares chez le nouveau-né et le nourrisson, et peuvent être primitifs ou secondaires, métastatiques. Dans cette tranche d’âge, ce sont en général des sarcomes de haut grade : fibrosarcome infantile/congénital, tumeur rhabdoïde, rhabdomyosarcome (3). Le fibrosarcome congénital est diagnostiqué dans les 2 premières années de vie. La lésion prédomine chez le garçon et survient préférentiellement sur les extrémités distales, moins souvent sur la tête ou le cou, sous forme d’une masse arrondie de croissance très rapide, vite volumineuse (> 10 cm), souvent congénitale ou survenant dans les semaines qui suivent la naissance. La peau en regard est tendue, brillante, parcourue de longues télangiectasies (figure 1). Dans quelques cas, la tumeur, très angiomateuse, s’ulcère largement simulant un hémangiome infantile de type RICH, d’autant qu’une coagulopathie peut être associée. Le diagnostic est confirmé par l’étude en FISH en raison d’une récurrence de la translocationt (12 ; 15) (p13 ; q26) avec gène de fusion ETV6-NTRK3, mais il existe quelques cas où cette translocation est absente. Dans tous les cas, le diagnostic moléculaire doit être demandé. Le traitement de choix est l’ablation chirurgicale large. Une polychimiothérapie préopératoire peut réduire la masse tumorale ou, en post-opératoire, compléter le geste chirugical. Le taux de guérison à 5 ans est supérieur à 90 % malgré un taux de récidive de 30 % environ.Les métastases sont exceptionnelles (4). Le dermatofibrosarcome dans sa forme congénitale (DFS) est exceptionnel. Il peut être très trompeur cliniquement, car il peut mimer un angiome en touffes, un hamartome, une aplasie cutanée devant des plaques infiltrées et atrophiques (figure 2). Il est donc souvent diagnostiqué avec du retard (5). Chez l’enfant plus grand, les sarcomes de bas grade prédominent dans la peau, mais on doit aussi penser à l’exceptionnel rhabdomyosarcome cutané primitif. Le sarcome le plus fréquent dans cette tranche d’âge est le dermatofibrosarcome. Il est caractérisé, comme chez l’adulte, par la fréquence élevée des récidives locales, sans métastase ganglionnaire ou viscérale. Entre 5 et 10 % de ces tumeurs apparaissent chez l’enfant prépubère. Il s’agit alors le plus souvent d’une plaque infiltrée, ferme à la palpation, rouge ou brune. Après quelque temps d’évolution, des nodules peuvent se développer, mais la lésion peut être longtemps asymptomatique. Elle peut devenir douloureuse (figure 3). Des formes multiples ont été décrites en association à un déficit en adénosine déaminase (ADA) (6). Une transformation en sarcome de haut grade est rare mais possible. La prise en charge est la même que chez l’adulte (7). Le fibroblastome à cellules géantes (FCG) est considéré comme la forme juvénile du DFS, montrant les mêmes anomalies génétiques. Il se présente comme une masse dermo-hypodermique à développement lent, fixée à la peau, asymptomatique, et son évolution est identique à celle du DFS. Le diagnostic est histologique, toujours confirmé par la recherche de la translocation t (17 ; 22) de fusion COL1A1/PDGF β, qui est quasi-constante (figure 4). La formation d’un anneau chromosomique surnuméraire dérivéde t (17 ; 22) est fréquente chez l'enfant (5). L’évolution naturelle est très lente, sur des années voire des dizaines d’années. Le diagnostic chez l’enfant est souvent porté avec beaucoup de retard (5). Le traitement de choix est l’excision élargie, au mieux par chirurgie de Mohs ( slow Mohs) (figure 5). La tumeur fibrohistiocytaireplexiforme (TFHP) est également un sarcome de bas grade de malignité, presque exclusivement observé chez l’enfant et l’adolescent. Elle peut être ubiquitaire mais est le plus souvent située aux membres supérieurs. Cette tumeur se présente comme un nodule sous-cutané dur, asymptomatique ou douloureux, souvent de moins de 3 cm de diamètre. La tumeur peut infiltrer les plans musculaires profonds et être très mutilante. Le diagnostic est uniquement fondé sur l’histologie, car aucune anomalie génétique n’a été retrouvée à ce jour (figure 6). La TFHP est agressive localement et récidive fréquemment (40 %). Son traitement est l’exérèse chirurgicale large et complète (8). L’histiocytofibrome angiomatoïde est un autre sarcome de bas grade observé quasi-exclusivement chez l’enfant et l’adolescent. Il est rare, de croissance lente, situé sur les extrémités ou le tronc (figure 7). Cliniquement, il s’agit d’une tumeur ou masse unique, située plus ou moins profondément dans le tissu sous-cutané, sans caractéristique clinique permettant de la reconnaître. Le diagnostic est histologique et moléculaire : translocation 16-12 (16p11-12q13) et fusion des gènes FUS et ATF1. L’évolution est relativement favorable avec moins de 10 % de récidives et moins de 1 % de métastases ganglionnaires. Le traitement de choix est l’exérèse complète large (9). Le rhabdomyosarcome est l’une des tumeurs malignes les plus fréquentes de l’enfant. Une présentation cutanée primitive n’est pas exceptionnelle sous la forme d’une masse lobulée, infiltrée, adhérente à la peau, luisante, rosée à orangée ou pourpre, ferme au palper, finement télangiectasique, située surtout au niveau cervico-céphalique ou dans les régions génito-urinaires. Dans cette localisation, ces tumeurs sont exophytiques, en « chou-fleur », et peuvent être confondues avec des condylomes (sarcomes botryoïdes). Le type histologique le plus fréquent est le type embryonnaire, les types botryoïdes ou alvéolaires sont plus rares. Le traitement est lourd associant une excision large, une polychimiothérapie, et éventuellement une radiothérapie. Le pronostic semble meilleur si l’enfant est jeune. Le type histologique est essentiel pour le pronostic. Le rhabdomyosarcome alvéolaire a le risque le plus élevé d’expansion rapide et de métastases (10). Quant à l’angiosarcome cutané, il est extrêmement rare chez l’enfant. Il siège préférentiellement aux membres inférieurs et survient souvent sur un terrain particulier : une malformation vasculaire, un lymphœdème ou une hémi-hypertrophie congénitaux, un hémangiome congénital traité par radiothérapie ou un xeroderma pigmentosum (11). Parmi les tumeurs vasculaires malignes de l’enfant, le sarcome/maladie de Kaposi se voit au cours de l’infection VIH. Elle est devenue exceptionnelle chez l’enfant. Sa présentation clinique est comparable à celle que l’on connaît chez l’adulte. Le sarcome d’Ewing est le troisième sarcome le plus fréquent de l’enfant et de l’adolescent. Son siège de prédilection est l’os, l’atteinte cutanée primitive est très rare. Dans une étude comparative des sarcomes d’Ewing primitifs de l’os et primitifs de la peau, on constate que les tumeurs cutanées se voient plus souvent chez la fille, plus souvent aux membres avec une taille tumorale moyenne de 2 à 3cm (12). Le diagnostic est histologique, nécessite une confirmation moléculaire de préférence sur du matériel congelé afin d’identifier une translocation spécifique du gène EWSR1 en FISH ou en RT-PCR. Le pronostic des formes

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