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Indication de l’IRM du sein en 2025
Patrice TAOUREL, CHU de Montpellier

L’objectif de cet article est de rapporter et analyser les indications d’IRM du sein, en termes de détection, de caractérisation, de bilan d’extension et de suivi.
L’IRM mammaire est aujourd’hui un outil essentiel dans le diagnostic et la prise en charge des cancers du sein. Depuis le début de l’utilisation de l’IRM dans les années 2000, le nombre d’IRM du sein réalisée a très nettement augmenté. Aux États-Unis (USA) a été rapportée une multiplication par 20 des IRM mammaires réalisées entre 2000 et 2010, puis une nouvelle multiplication par 14 des indications depuis les nouvelles recommandations émises par l’ American College of Radiology en 2018 et actualisées en 2023. En France, le nombre d’IRM a augmenté de façon importante, même si le coefficient multiplicatif est moins important qu’aux USA. Les indications de l’IRM sont portées par sa très bonne sensibilité, avec une excellente valeur prédictive négative. En revanche, et bien que cela se soit amélioré par le développement de nouvelles séquences (séquence rapide de perfusion, diffusion), l’IRM a une spécificité seulement autour de 80 % et donc une valeur prédictive positive, médiocre dépendante de la prévalence du cancer du sein dans la population en question. La comparaison stricte des examens d’IRM permet d’augmenter spécificité et valeur prédictive positive comme le démontrent bien les séries de dépistage par IRM où la spécificité augmente au cours des tours. Ce manque de spécificité, rencontré également en mammographie et en échographie, pose des difficultés particulières du fait d’un manque d’accès à la biopsie sous IRM, qui reste un examen consommateur en temps. Du fait du manque de spécificité de l’IRM, de son coût, du parcours diagnostique plus complexe induit par la découverte d’un rehaussement justifiant une biopsie sous IRM, et enfin du fait de la recherche de pertinence dans la prescription d’imagerie, les indications de l’IRM du sein en 2025 sont bien codifiées. Détection Détection chez les patientes à risque Le rationnel Les patientes à risque élevé de cancer du sein : un certain nombre de mutations génétiques augmente de façon importante le risque de cancer du sein. Les deux plus emblématiques sont les mutations BRCA 1 et BRCA 2 qui donnent un risque cumulé au cours de la vie de 60 à 85 % de développer un cancer du sein, dont la moitié ne sera identifiée que par l’IRM. Plus de la moitié de ces cancers dans les séries de dépistage par IRM sont diagnostiqués à une taille infracentimétrique, et la comparaison avec l’IRM antérieure augmente la performance diagnostique ( figure 1). A B C D E Figure 1. Dépistage par IRM chez une patiente à risques familiaux forts. A, B . Masse à contour net sur le sein droit et à contour micrologulé sur le sein gauche. La comparaison avec l’IRM réalisée l’année d’avant ( C, D) montre que la masse à droite est stable, il s’agissait d’un fibroadénome connu. En revanche, la masse gauche est évolutive (en regard, il existait un petit focus). En l’absence de corrélation mammographique ou échographique, même à postériori, une biopsie sous IRM ( E) a été réalisée avec un diagnostic de carcinome canalaire invasif. Plusieurs séries de dépistage ont été publiées chez ces patientes à haut risque avec une quinzaine de papiers publiés, plus de 6 000 patientes incluses et en moyenne trois tours de dépistage évalués. La sensibilité variait entre 25 et 58 % en mammographie, 33 et 52 % en échographie et 71 à 100 % en IRM. La spécificité variait entre 93 et 100 % en mammographie, 91 et 98 % en échographie et 81 et 98 % en IRM (1). La plus faible spécificité de l’IRM était surtout notée au premier tour du dépistage. Les patientes à risque intermédiaire, c’est-à-dire avec un risque cumulé autour de la vie entre 15 et 20 % incluent les groupes suivants : antécédent personnel de cancer du sein ; seins denses ; lésions dites à haut risque à la biopsie (hyperplasie épithéliale atypique, hyperplasie lobulaire atypique, carcinome lobulaire in situ). Ces patientes ont un taux de détection du cancer du sein par examen de dépistage variant selon les études entre 1,2 et 1,5 cancers sur 1 000 patientes dépistées, avec également un taux de détection à l’IRM près de deux fois supérieur à celui du couple mammographie/échographie. Indications Patientes à risques familiaux forts : prédisposition génétique : BRCA 1, BRCA 2, PALB2, TP 53 ; absence de mutation génétique pathogène identifiée mais risque de cancer du sein supérieur à 20 %, établi par les modèles utilisés par les oncogénéticiens ; irradiation corporelle totale, en particulier pour la maladie d’Hodgkin et, dans ce cas, l’IRM doit être commencée 10 ans après l’irradiation, puisque les cancers du sein se développent après cet intervalle de temps. Non-indications Chez les patientes à risque intermédiaire, l’IRM n’est pas recommandée. Il est indiqué un dépistage par mammographie une fois par an, de 40 à 50 ans, associé à une échographie si les seins sont denses puis retour à une mammographie tous les 2 ans après 50 ans. Chez les patientes à risque standard, une mammographie est réalisée tous les 2 ans plus ou moins, associée à une échographie en fonction de la densité des seins, et cela entre 50 et 75 ans. À l’inverse aux USA, il est recommandé une IRM annuelle par les recommandations de l’American Cancer Society chez les patientes ayant un antécédent personnel de cancer du sein avant 50 ans et des seins de densité BIRADS C ou D. La densité mammaire, facteur de risque indépendant de cancer du sein et facteur d’échec de la mammographie, est un sujet de débat quant à son rôle dans l’indication d’une IRM. Les résultats de deux essais randomisés doivent être connus : l’étude randomisée DENSE européenne (2) porte sur les patientes ayant des seins très denses (BIRADS D) qui représentent environ 10% des femmes dépistées. Elle évalue l’apport d’une IRM supplémentaire et trouve lors du premier tour 16,5 cancers pour 1 000 dépistages détectés grâce à l’IRM, avec un taux de cancer de l’intervalle dans la population beaucoup plus bas que dans la population n’ayant pas bénéficié d’une IRM (0,8/1 000 vs 5/1 000). En revanche, seule un quart des biopsies réalisées sur des données IRM étaient positives. Pour le second tour, le taux de patientes ayant un cancer détecté par l’IRM baissait de 15 pour 1 000 à 5,8 pour 1 000 ; l’étude menée aux USA, ECOG-ACTRIN E41141 (3) compare chez les patientes présentant des seins denses (BIRADS C et D), donc environ 50 % de la population, la tomosynthèse et l’IRM abrégée. Sur une population d’un peu moins de 1 500 patientes, l’IRM a détecté 17 cancers invasifs et 5 carcinomes canalaires in situ (CCIS), alors que la tomosynthèse ne dépistait que 7 cancers invasifs et 2 CCIS. Le rapport coût/efficacité du dépistage chez les patientes aux seins denses et le pourcentage de biopsie supplémentaire restent discutés. La France ne recommande pas de dépistage, à l’inverse les recommandations européennes EUSOBI proposent chez les patientes avec des seins très denses (BIRADS D) une IRM tous les 2 à 4 ans comme méthode d’imagerie supplémentaire de dépistage. La recherche d’un cancer du sein chez les patientes ayant des adénomégalies axillaires métastatiques et une imagerie conventionnelle normale Il s’agit d’une situation rare, qualifiant moins de 1 % des cancers du seins et se rapportant surtout à des cancers micro-invasifs. Dans ce cadre, l’IRM diagnostique près de trois quart de ces cancers. En cas d’IRM négative, un traitement chirurgical peut être évité et l’option recommandée est l’association curage ganglionnaire/radiothérapie mammaire. Caractérisation Rationnel L’IRM est peu utilisée dans une démarche de caractérisation d’une lésion mammographique et encore moins d’une lésion clinique : moins de 5 % des indications d’IRM mammaire correspondent à un objectif de caractérisation. La justification de l’IRM en caractérisation est la très bonne sensibilité et donc l’excellente valeur prédictive négative pour exclure un cancer dans une population où la prévalence de cancer est basse. Indications Les lésions ambiguës en mammographie Asymétrie focale de densité vue sur une incidence : la présomption de malignité est faible, en dehors des asymétries évolutives, et la biopsie est difficile. Cette indication diminue du fait du développement de la tomosynthèse qui permet de « déconstruire » une asymétrie focale de densité correspondant à la superposition de matrice mammaire ; distorsion architecturale : situation de plus en plus fréquente depuis le développement de la tomosynthèse, avec environ 10 % des distorsions architecturales vues exclusivement en tomosynthèse correspondant à des cancers. Ces distorsions architecturales sont accessibles à une biopsie sous tomosynthèse. Les indications de l’IRM sont l’impossibilité d’accès à la biopsie et pour certaines équipes un diagnostic par macrobiopsie de cicatrice radiaire en permettant de sursoir à la chirurgie en cas d’absence de rehaussement en regard de la cicatrice radiaire ; doute diagnostique entre une cicatrice et une récidive chez une patiente opérée de façon conservatrice pour un cancer du sein : une biopsie guidée par mammographie ou échographie est recommandée ; si la cible n’est pas accessible à une biopsie de façon fiable, l’IRM peut avoir de l’intérêt avec la conduite à tenir suivante : une absence de rehaussement ou un rehaussement arciforme limitant un sérome ou une cytostéatonécrose signe la bénignité, un rehaussement non masse n’est pas spécifique de bénignité ou malignité, un rehaussement de type masse ou un rehaussement évolutif indique de façon absolue la réalisation d’une biopsie, En cas de lésion BIRADS 4 très profonde ou bien dans un sein de très petite taille non accessible à une biopsie, l’indication classique est celle d’une biopsie chirurgicale. Néanmoins, la décision en RCP pourra être confortée par la présence d’un rehaussement à l’IRM. L’utilisation de l’IRM dans ce cadre se fait au cas par cas en dehors de recommandation officielle. Un signe clinique suspect avec une imagerie conventionnelle normale : un écoulement mamelonnaire suspect car unilatéral, spontané
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