Cryoablation percutanée : un traitement mini-invasif des nodules d’endométriose pariétale
Maxime BARAT et coll.*, service de radiologie diagnostique et interventionnelle, Hôpital Cochin (AP-HP), Centre université Paris Cité
L’endométriose est une pathologie qui touche 7 à 10 % des femmes dans la population générale et jusqu’à 30 % des femmes souffrant de dysménorrhées(1). La maladie peut être responsable de saignements, de douleurs et de troubles de la fertilité(1). Elle peut alors avoir un important retentissement sur la vie sociale, professionnelle et psychologique des patientes(1). L’endométriose pariétale ou extra-péritonéale est une forme plus rare qui survient le plus souvent sur des cicatrices post-opératoires, y compris chez des patientes n’ayant pas d’endométriose profonde. Les nodules peuvent atteindre toutes les couches de la paroi : la peau, le muscle, les fascias et le péritoine pariétal. Selon la littérature, sa prévalence est située entre 0,03 % et 1 % des femmes après une césarienne, et ceci est probablement sous-estimée car cette pathologie est méconnue des praticiens comme des patientes(2,3).
L’endométriose pariétale ou extra-péritonéale La triade clinique pathognomonique est l’association de douleurs cycliques localisées en projection du ou des nodules, en regard ou aux alentours des cicatrices avec une masse palpable chez une patiente avec un antécédent de chirurgie pelvienne (4). En dehors de cette forme typique, les présentations cliniques individuelles peuvent varier, allant d’une voussure éventuellement associée à une gêne esthétique ou de douleurs plus frustres dont le caractère cyclique est tout de même présent chez 90 % des patientes (4). Plusieurs diagnostics différentiels peuvent alors être évoqués comme une éventration sur cicatrice, un granulome, un lipome, un abcès, un sarcome ou une tumeur desmoïde (4). Les nodules peuvent être multiples. Le diagnostic de certitude d’endométriose pariétale peut être fait sur l’imagerie dans les cas typiques. L’échographie permet d’identifier le nodule qui a un aspect hétérogène, hyperéchogène, le plus souvent mal limité et infiltrant (figure 1). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix pour faire le diagnostic positif, différentiel, ainsi que le bilan d’extension pariétal et pelvien. En IRM, les nodules d’endométriose pariétale ont des caractéristiques identiques à ceux de l’endométriose profonde. Ils sont hypo-intenses en pondération T2, spontanément hyper-intenses en pondération T1 sans et avec saturation de la graisse, et présentent un rehaussement souvent franc après injection intraveineuse de chélates de gadolinium. Le diagnostic peut être confirmé par examen histologique après biopsie percutanée échoguidée (4). Figure 1. Patiente de 36 ans avec un nodule d’endométriose de 13 mm sur une cicatrice de césarienne consultant pour une « masse pariétale palpée » avec douleurs cycliques typiques retrouvée à l’examen. Bilan avant discussion thérapeutique. A : échographie à la sonde superficielle 14 MHz dans le plan axial montrant le nodule intrapariétal de 13 mm, hypoéchogène, aux contours mal limités, avec infiltration de la graisse sous-cutanée périphérique (flèche) et un respect, dans ce plan, du fascia musculaire superficiel de la paroi abdominale (tête de flèche). B : échographie à la sonde superficielle 14 MHz dans le plan coronal montrant le nodule intrapariétal de 13 mm, hypoéchogène, aux contours mal limités avec infiltration de la graisse sous-cutanée périphérique (flèche) et le plan du fascia musculaire superficiel de la paroi abdominale (tête de flèche) qui semble envahi en un point (flèche en pointillé). C : IRM initiale en coupe axiale, séquence T2 montrant le nodule (flèche) posé sur le fascia musculaire superficiel du muscle grand droit (tête de flèche) de 13 mm, en hyposignal T2 homogène, aux contours mal limités, avec une discrète infiltration de la graisse sous-cutanée adjacente. D : IRM initiale en coupe axiale, séquence T1 avec saturation de la graisse et injection de chélate de gadolinium (Dotarem ®) montrant le nodule (flèche) posé sur le fascia musculaire superficiel du muscle grand droit droit (tête de flèche) de 13 mm en hypersignal T1 intense, aux contours mal limités, avec une discrète infiltration de la graisse sous-cutanée adjacente et invasion focale du muscle grand droit droit (flèche en pointillé). L’objectif des traitements de l’endométriose pariétale est donc principalement antalgique afin de faire disparaître totalement la symptomatologie douloureuse et éventuellement de traiter la gêne esthétique. Les différentes options thérapeutiques Elles sont les suivantes (4) : • L’abstention thérapeutique : chez les patientes avec un diagnostic d’endométriose pariétale sans gêne et sans symptôme, cette option peut être proposée en précisant à la patiente qu’en cas d’apparition de symptômes il pourra être possible de proposer un traitement radical. C’est possiblement le cas des nodules d’endométriose extrapéritonéale découverts fortuitement lors d’examens d’imagerie réalisés pour une autre indication, en particulier chez les patientes sous traitements contraceptifs hormonaux. • Les traitements antalgiques oraux : chez les patientes dont la gêne est minime et tolérable, des traitements symptomatiques peuvent être proposés pendant les périodes douloureuses. Il peut s’agir d’antalgiques simples et d’anti-inflammatoires. Ce traitement est proposé chez les patientes qui ne souhaitent aucune intervention, après leur avoir expliqué qu’un traitement plus spécifique est possible en cas d’intolérance, de lassitude ou d’installation d’une accoutumance avec diminution des effets des antalgiques. • Le blocage hormonal : lorsque les symptômes sont cycliques, un blocage hormonal des cycles menstruels peut être proposé par une pilule contraceptive prise en continue. Les patientes sont exposées à un rebond des symptômes à l’arrêt des traitements hormonaux, ainsi qu’aux effets indésirables de l’hormonothérapie au long cours. • La chirurgie : c’était historiquement le seul traitement curatif de référence de l’endométriose extra-péritonéale. Les nodules pouvant être fibreux et infiltrants au sein des muscles ou tissus conjonctifs voisins, et il est souvent nécessaire de réaliser une exérèse large du muscle atteint, avec souvent la nécessité d’utiliser une prothèse de paroi. • L’ablation percutanée : ces traitements curatifs plus récents ont été décrits pour la première fois dans cette indication depuis une dizaine d’années. Les techniques principalement rapportées sont la cryothérapie et l’ablation par radio-fréquence et micro-ondes. De façon plus anecdotique, des séries d’ablation par ultrasons haute fréquence (HIFU) ont été publiées. L’ablation percutanée permet une destruction complète du nodule d’endométriose sans incision et en respectant l’intégrité de la paroi abdominale. L’absence d’exérèse ne permettant pas d’analyse histologique, la réalisation d’une biopsie avant ou pendant l’intervention est cependant souvent requise. La cryothérapie des nodules d’endométriose pariétale a été rapportée pour la première fois en 2014 dans une étude préliminaire, dont les résultats définitifs ont été publiés en 2017 (3). Elle ne figure actuellement dans aucune recommandation de société savante. Sa place dans l’algorithme décisionnel n’est ainsi pas consensuelle. La cryothérapie présente plusieurs avantages par rapport aux techniques d’ablation dites thermiques (radiofréquence et micro-ondes). Elle est réalisable sous anesthésie locale car elle est peu douloureuse. La visualisation directe de l’extension du glaçon en imagerie pendant l’intervention permet de maîtriser les risques de lésions fortuites, en particulier digestives. La littérature est limitée à ce jour à de petites séries avec des périodes de suivi courtes. Le seul essai publié compare 13 patientes traitées par chirurgie et 7 patientes traitées par cryothérapie percutanée (3). Il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les deux techniques en termes de diminution de la douleur et de taux de complication, qui est très faible pour les deux techniques. La cryothérapie présente l’avantage d’éviter l’anesthésie lorsque les nodules sont superficiels. Par ailleurs, la chirurgie est plus délabrante avec un risque de lésions musculaires lorsque les nodules envahissent les muscles de la paroi abdominale. Les patients doivent alors limiter le port de charges lourdes pendant plusieurs semaines et s’exposent à toutes les complications possibles des chirurgies pariétales lorsqu’il y a nécessité de mettre en place une prothèse. Une série publiée en 2023 a inclus 42 patientes et 47 lésions traitées (2). Cette série montre une disparition des douleurs avec des douleurs médianes mesurées en échelle visuelle analogique passant de 8/10 (étendue : 7-9) à 0/10 (étendue : 0-1) chez 94 % des patientes à 6 mois et 83 % d’entre-elles à un an. Le taux de complications sévères était de 2 % correspondant à une brûlure cutanée au second degré. Des études prospectives restent nécessaires pour évaluer l’efficacité à long terme, le taux de récidive et préciser la place de la cryothérapie dans la prise en charge des patientes avec endométriose pariétale. La cryothérapie en pratique Avant l’intervention Les indications sont discutées systématiquement de façon multidisciplinaire impliquant des radiologues et des gynécologues (2,5). Lorsque les nodules atteignent le plan profond, afin de limiter l’inconfort de la patiente lié au temps d’intervention et aux possibles douleurs post-intervention, les interventions sont généralement réalisées sous anesthésie locorégionale ou générale. Pour les cas plus simples, une sédation associée à une anesthésie locale est possible. Les traitements ont lieu lors d’hospitalisation de jour ou conventionnelle courte. Une planification précise de l’intervention inclut une analyse morphologique de la lésion à traiter, de son volume et de ses rapports avec les organes ou structures à risque qu’il faudra protéger. En fonction, seront décidés, l’installation de la patiente, la voie d’abord, les modalités de guidage, le nombre et le type d’aiguilles et les mesures de protection à mettre en place. Le guidage scanner (ou IRM) est à privilégier car le monitorage du glaçon dans sa partie profonde est difficile en échographie seule, en particulier pour les lésions enchâssées dans la paroi pour lesquelles le tube digestif peut venir se coller au glaçon au moment de l’intervention. Un double guidage associant le scanner et l’échographie pour les lésions superficielles est souvent utile, en particulier pour la mise en place des aiguilles et permet un suivi en direct de la superficie du glaçon et la mise en place des mesures de protection cutanée adéquates. Concernant les mesures de protection et de monitorage, il peut s’agir de réchauffement cutané, d’hydro- ou carbo-dissection pour écarter les structures à risque, en particulier digestives. Le positionnement de thermocouples est également possible pour monitorer la
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