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Grand angle

Publié le  Lecture 16 mins

Techniques de protection en thermoablation

Pierre-Alexis AUTRUSSEAU, Pierre AULOGE, Guillaume KOCH, Roberto Luigi CAZZATO, Afshin GANGI, Julien GARNON, Service d’imagerie interventionnelle, Nouvel hôpital civil, Strasbourg

Les ablations thermiques sont un traitement efficace dans de nombreux organes pour des tumeurs malignes ou bénignes. Bien que leur abord soit mini-invasif, le risque de lésion non désirée d’un organe adjacent est réel avec de multiples cas de lésions thermiques aux conséquences graves rapportées dans la littérature. La mise en œuvre des techniques de protection a un double objectif : prévenir les lésions thermiques des organes adjacents et permettre de faire des ablations plus agressives afin d’améliorer le contrôle local. L’objectif de cet article est de décrire les principales modalités de protection et leurs applications.

Techniques de dissection Les techniques de dissection consistent à injecter un agent liquide ou gazeux de manière percutanée. Il s’agit de techniques bon marché et relativement simples à mettre en œuvre sous réserve d’une bonne connaissance des espaces anatomiques afin que la protection soit efficace et optimale. Hydrodissection L’hydrodissection consiste à injecter du liquide (sérum physiologique ou glucosé) dans un espace anatomique. Elle est réalisable pour tout type d’ablation (par le chaud ou par le froid) et dans n’importe quelle localisation. L’objectif est à la fois de créer une distance de sécurité entre la tumeur à traiter et l’organe à risque, mais également de permettre un effet de dissipation thermique en maintenant un flux d’injection lors de l’ablation. Ce dernier point est particulièrement important lorsque la distance de sécurité créée n’excède pas quelques millimètres (espace épidural, par exemple) ou en tout cas pas le centimètre. Un thermomètre placé à l’interface tumeur – organe vulnérable peut être combiné à l’hydrodissection lors des cas à risque, ce afin d’adapter le débit d’injection lors de la phase d’ablation. Techniquement, une aiguille spinale de faible calibre (18G, 20G ou 22G) est insérée sous contrôle d’imagerie entre la lésion à traiter et l’organe à protéger, idéalement au niveau d’une interface graisseuse qui représente une cible idéale pour la pointe de l’aiguille. Une faible quantité de liquide de dissection (5 à 10 mL) permet de tester et vérifier la distribution satisfaisante du produit, ou alors la nécessité de repositionner la pointe de l’aiguille. Puis, des volumes plus larges (de quelques dizaines de millilitres à 1-2 litres) peuvent être injectés jusqu’à obtenir un déplacement satisfaisant de l’organe. Plusieurs aiguilles sont parfois nécessaires pour éloigner la totalité d’un organe de la lésion. Le liquide injecté peut être soit du sérum physiologique soit du sérum glucosé. Ce dernier doit être utilisé en association à la radiofréquence afin d’éviter la conductivité électrique par les ions. Pour les autres modalités d’ablation, les deux types de sérum sont utilisables. Le liquide peut être injecté à température ambiante (autour de 20 °C) pour les ablations thermiques par le chaud, ou alors à température plus élevée (autour de 37 °C) pour les ablations par le froid. En scanner, sa visibilité est améliorée par un mélange de produit de contraste iodé de faible osmolalité (Visipaque ® 270 ; General Electric, États-Unis) dilué à 5 % (1/20). Seule la dissection au niveau de l’espace épidural nécessite une concentration de contraste plus importante (50 %) pour permettre une identification certaine de l’espace de diffusion du liquide. La qualité de la dilution dans la seringue est vérifiée en scanner avant injection, afin de ne pas gêner le reste de l’intervention en cas d’une densité de contraste trop élevée. L’hydrodissection est possible en sécurité avec de larges volumes (> 1 litre) dans les espaces sous-cutanés, le péritoine, le rétro-péritoine, le médiastin ou l’espace épidural sans entraîner de phénomène compressif. La raison est la diffusion du liquide dans d’autres espaces anatomiques (par exemple, du péritoine vers la plèvre au travers des puits de Ranvier ; de l’espace épidural thoracique vers la plèvre au travers des foramens intervertébraux, etc.) et sa réabsorption rapide par les séreuses. L’injection de très larges volumes de liquide (> 3 litres dans la littérature) doit être évitée en raison du risque de déséquilibre hydro-électrolytique. Au total, l'hydrodissection est un technique fiable, facile d'accès, peu chère. Les principales causes d'échec sont les adhérences post-opératoires (l'ascite artificielle a, par exemple, peu de chance de fonctionner après chirurgie hépatique) ou post-radiothérapie. Les différentes études n'ont pas rapporté de diminution du contrôle local lors de l'utilisation de l'hydrodissection en ablation. • Cas pratique en thermo-ablation hépatique : ascite artificielle (figure 1) Le foie présente une anatomie complexe, avec toute une face péritonéalisée. Les séreuses sont un espace anatomique où peut être aisément diffusé du liquide de dissection. Une des applications reconnues est la réalisation d’une ascite artificielle à visée de protection thermique du diaphragme lors des ablations de tumeurs sous-capsulaires au contact du diaphragme, notamment dans les segments VII et VIII. Technique : sous échographie, une aiguille spinale 20G est utilisée pour ponctionner la partie basse du segment VI avec un trajet ascendant. Un microguide 0,018 est inséré dans l’aiguille 20G, qui va initialement avancer dans le parenchyme hépatique. Le microguide est rentré à l’intérieur de l’aiguille, qui est elle-même délicatement reculée et verticalisée, permettant le passage du guide dans le péritoine en direction du dôme hépatique. La trajectoire du microguide doit être vérifiée par scanner ou sous fluoroscopie. En effet, une ponction trop haute pourra faire avancer le microguide dans l’espace pleural plutôt que dans l’espace péritonéal. Un cathéter 6 French est monté en co-axial sur le guide, puis un mélange de 50 mL de liquide d’hydrodissection est injecté pour vérifier la bonne diffusion intrapéritonéale. En cas de bon positionnement, l’injection de 500 mL du mélange permet de décoller le foie du diaphragme et de la paroi abdominale. Lors de l’ablation, une injection continue à environ 0,5 mL/sec permet de maintenir un flux refroidissant le diaphragme ou la paroi abdominale. Le volume injecté total est d’environ 800 mL à 1 L. En plus de prévenir les lésions diaphragmatiques, l’ascite artificielle est aussi responsable de moins de douleurs postopératoires. La protection de la paroi abdominale lors des thermoablations des tumeurs des segments V et VI est également une bonne indication. • Cas pratique en thermo-ablation rachidienne : hydrodissection épidurale (figure 2) Les ablations rachidiennes sont souvent considérées à risque en raison de la présence des nerfs rachidiens ou du cordon médullaire. De plus, il s’agit d’un espace osseux clos où les structures ne pourront être déplacées uniquement de quelques millimètres, et où l’objectif sera de maintenir un flux continu d’injection afin de dissiper l’énergie thermique. Technique : une aiguille spinale 18G est insérée sous contrôle scanographique dans l’espace épidural par voie interlamaire au plus proche de la lésion à traiter. Le liquide d’hydrodissection permet de confirmer la bonne répartition épidurale et repousse légèrement le fourreau dural. Le déplacement est plus important en lombaire où le cordon médullaire est déjà terminé. L’excès de liquide injecté ressort par les foramens vertébraux dans le rétropéritoine ou dans la plèvre selon l’étage. Un thermomètre à bout mousse peut être utilisé en co-axial dans l’aiguille d’hydrodissection à l’aide d’un Y à valve afin de vérifier l’efficacité de la dissection (diminution de la température au contact de la tumeur lors de l’injection du liquide) et de monitorer l’ablation. L’injection est maintenue lors de l’ablation de manière lente mais régulière (0,5 mL/sec) et adaptée à la température sur le thermomètre afin de n’injecter que le volume nécessaire. Les causes d’échec peuvent être les antécédents de radiothérapie, les adhérences sur tumeurs inflammatoires ou sur une épidurite tumorale. Carbodissection L’injection de liquide d’hydrodissection à tendance à diffuser en déclive en raison de la gravité dans les cavités anatomiques (plèvre, péritoine). L’alternative à l’injection d’un liquide d’hydrodissection est l’injection de gaz, qui aura lui tendance à se distribuer vers le haut. L’air ambiant ne doit plus être utilisé en raison du risque d’embolie gazeuse, et, à l’opposé, le CO 2 médical à moins de risque d’entraîner une embolie gazeuse symptomatique. En ablation thermique, la carbodissection permet non seulement de déplacer physiquement les organes environnants mais aussi de réaliser une isolation thermique en ne conduisant pas l’énergie de la modalité d’ablation. L’efficacité de l’isolation thermique du CO 2 est même supérieure à celle de l’air. Le recul sur cette technique est important puisqu’elle est largement utilisée en chirurgie lors des laparoscopies ou thoracoscopies. Techniquement, le matériel utilisé est le même que pour une angiographie au CO 2. Une aiguille de petit calibre est insérée à l’endroit où le CO 2 doit être injecté. Des aiguilles à bout mousse avec une pointe sur ressort peuvent être utilisées pour pénétrer la plèvre ou le péritoine sans lésion pulmonaire ou du tube digestif. Une petite quantité de CO 2 est injectée (50 mL) afin de vérifier le bon positionnement. En cas de distribution satisfaisante, de plus grandes quantités peuvent être injectées (1,5 L). Il faut prêter une attention particulière à l’absorption du CO 2 par les séreuses, qui nécessite de surveiller pendant l’ablation que le CO 2 est encore présent en quantité 2 suffisante et, le cas échéant, maintenir une injection régulière. • En pratique : pneumothorax externe au CO 2 (figure 3) Lors des ablations pulmonaires proches des parois ou des ablations pariétales thoraciques, il peut être judicieux de réaliser un pneumothorax externe au CO 2 à visée de protection. Technique : une aiguille à bout mousse montée sur ressort 17G (Hydroguard ® ; AprioMed, Suède) est amenée sous contrôle scanographique au contact de la plèvre, qui est ponctionnée jusqu’à ce que le ressort lâche. L’aiguille peut être avancée librement avec le bout mousse dans la cavité pleurale sans résistance. En imagerie, l’aspect est trompeur avec une image évocatrice de l’aiguille au sein du parenchyme pulmonaire. Une petite quantité de CO 2 (50 mL) est injectée et réalise une lame de pneumothorax. En cas de distribution satisfaisante, une plus large quantité peut être injectée jusqu’au décollement du poumon en regard de la zone d’ablation. La plèvre réabsorbant rapidement le CO 2, l’injection doit

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