Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Tendances

Publié le  Lecture 17 mins

Traitements intra-artériels des métastases hépatiques de tumeurs neuroendocrines

Maxime RONOT1*, Lambros TSÉLIKAS2*, Paris et Villejuif

Les néoplasies neuroendocrines sont diverses tumeurs développées au dépend du système neuroendocrinien diffus. L'Organisation Mondiale de la santé (OMS) classe ces néoplasies en fonction de leurs caractéristiques morphologiques (différenciation) et de leur degré de prolifération, évalué par l’index mitotique ou le Ki-67. Les tumeurs bien différenciées sont appelées « tumeurs neuroendocrines » (TNE) alors que les tumeurs peu ou pas différenciées sont appelées « carcinomes neuroendocrines » (CNE). Parmi les TNE, on distingue les lésions de grade (G) 1, 2 et 3 selon leur degré de prolifération(1).

Les TNE sont métastatiques au moment du diagnostic dans environ 20 %, 30 % et 50 % des tumeurs G1,G2 et G3, respectivement, le statut métastatique (tableau 1) représentant le facteur pronostique le plus important après le grade tumoral (2,3). En effet, la survie à 5 ans est estimée à 13-54 % en cas de métastases, contre 75-99 % en leur absence (3). Le foie constitue le site métastatique le plus fréquent, surtout pour les TNE d’origine gastro-entéro-pancréatique (GEP-NET). *TNE : tumeur neuroendocrine ; CNE : carcinome neuroendocrine. *L’index mitotiques doit être exprimé comme le nombre de mitoses/2 mm 2 tel que déterminé en comptant dans 50 champs de 0,2 mm2 (c’est-à-dire dans une surface totale de 10 mm 2). La valeur de l’indice de prolifération Ki-67 est déterminée en comptant au moins 500 cellules dans les régions de marquage le plus élevé (points chauds). Le grade final est celui donné par l’un des deux indices de prolifération qui place la néoplasie dans la catégorie de grade supérieur. **Les CNE peu différenciés ne sont pas officiellement gradés, mais sont considérés comme de haut grade par définition. ***Dans la plupart des tumeurs mixtes endocrines, les composants neuroendocriniens et non neuroendocriniens sont peu différenciés et le composant neuroendocrinien un indice de prolifération du même ordre que le composant non endocrinien. Toutefois, un ou deux composants peuvent être bien différenciés. Lorsque cela est le cas, chaque composante doit donc être évaluée séparément. Selon les recommandations de l’ European NeuroEndocrine Tumors Society (ENETS) (4), les tumeurs bien différenciées, surtout de grade 1 ou 2, sont candidates à des thérapies locorégionales hépatiques, en particulier lorsque la maladie hépatique est isolée ou dominante. Les traitements locorégionaux comprennent la chirurgie (résection et transplantation), et les thérapies guidées par l’image (ablation et traitements intra-artériels hépatiques). Dans ces derniers, on inclut les chimioembolisations, l’embolisation et la radioembolisation. Cette mini revue discute les avantages et les risques des traitements intra-artériels hépatiques, et présente leurs principaux résultats oncologiques pour le traitement des métastases hépatiques de TNE. Les ablations tumorales se seront pas abordées. Justification des traitements intra-artériels hépatiques La justification des traitements intra-artériels hépatiques repose sur la différence d’apport vasculaire du foie et des métastases. Environ 70 % de l’apport sanguin du foie provient de la veine porte, alors que les métastases hépatiques sont alimentées exclusivement par l’artère hépatique. Ainsi, les traitements intra-artériels qui peuvent comprendre l’embolisation de branches artérielles, l’injection de drogues de chimiothérapie ou encore d’une forte dose de radiothérapie ciblent de manière préférentielle les métastases. Ceci permet en théorie d’améliorer l’efficacité anti-tumorale des traitements tout en améliorant leur profil de toxicité. Éléments techniques Les traitements intra-artériels hépatiques sont le plus souvent réalisés au cours d’une courte hospitalisation, sous une légère sédation ou une anesthésie locale chez des patients ayant reçu une antalgie préventive et une anxiolyse. L’abord est artériel fémoral droit ou, de plus en plus souvent, radiale gauche. Le premier temps de tous les traitements est la réalisation d’une angiographie hépatique en deux (angiographie sous-traite numérisée) et trois dimensions (imagerie type cone-beam ou artério-scanner) permettant d’apprécier l’anatomie artérielle de chaque patient. Les images obtenues ont un double rôle de ciblage (sélection des artères qui alimentent les tumeurs à traiter) et de guidage (contrôle en temps réel de la progression du matériel endovasculaire). Les traitements diffèrent entre eux par la nature du traitement injecté (figure 1). Figure 1. Illustration des étapes d’une prise en charge par traitement intra-artériel hépatique. pancréatique localement avancé. Le diagramme en haut (A) illustre le calendrier de la prise en charge et le schéma du bas (B) détaille les différentes étapes techniques d’une séance de traitement. CB-CT « cone beam computed tomography », acronyme anglais pour imagerie tomographique à faisceau conique qui correspond à l’imagerie 3D ; Ho166 : holmium 166 ; RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire ; RI : radiologie interventionnelle, SIRT « selective internal radiation therapy », acronyme anglais de la radioembolisation, Y90 : yttrium 90. La chimioembolisation comprend l’injection d’un médicament de chimiothérapie et une embolisation des artères ciblées. Lorsque le médicament est injecté sous forme d’émulsion dans de l’huile de pavot (lipiodol, Guerbet), on parle de chimioembolisation conventionnelle. La radio-opacité de l’huile permet un contrôle radioscopique de l’injection et sert de vecteur au médicament. Cette propriété de vectorisation permet de diminuer l’exposition systémique et d’augmenter la concentration hépatique, surtout dans les tumeurs (jusqu’à 100 fois plus que celle obtenue par une injection par voie intraveineuse). Les drogues utilisées dans la chimioembolisation sont variées. La grande majorité des équipes utilise la doxorubicine à des doses de l’ordre de 1 mg/kg, mais d’autres équipes utilisent une combinaison de cisplatine, doxorubicine et mitomycine C. La strep-tozotocine est également utilisée, car elle aurait une efficacité plus grande que la doxorubicine. Il faut toutefois noter que son injection nécessite une anesthésie générale en raison d’une douleur importante lors de l’injection intra-artérielle hépatique induite par un pH acide. Plus récemment, l’oxaliplatine a été rapportée comme potentiellement intéressante. L’embolisation simple est, comme son nom l’indique, une embolisation ciblée des vaisseaux alimentant les tumeurs, sans injection de drogue de chimiothérapie. La radioembolisation est, quant à elle, une radiothérapie sélective interne vectorisée. Elle consiste en l’injection de microbilles calibrées biocompatibles mais non biodégradables de résine ou de verre, associées à une radio-isotope émetteur b négatif. L’isotope est le plus souvent l’yttrium-90 (90Y), mais de nouvelles plateformes utilisant l’holmium-166 (166Ho) sont disponibles. La séance de traitement proprement dite est précédée d’une première artériographie dite de « simulation » réalisée 7-14 jours. Au cours de celle-ci, une activité d’environ 500 MBq est injectée dans la zone à traiter sous la forme de macro-agrégats d’albumine humaine (MAA) marqués au technétium 99 méta-stable (99mTc). Celle-ci permet de réaliser une scintigraphie pour estimer la fraction de shunt pulmonaire (dose maximale tolérable au poumon d’environ 30 Gy), vérifier l’absence de perfusion extra-hépatique et pour calculer la dose estimée à la tumeur et au foie non tumoral (dosimétrie personnalisée). La réponse tumorale est fortement associée à la dose tumorale absorbée, et la toxicité hépatique à la dose reçue au foie non tumoral, et au foie non ciblé. Les métastases hépatiques traitées sont le plus souvent diffuses ou bilobaires. Le traitement par voie intra-artérielle de toute la charge tumorale requiert généralement deux ou trois séances de traitement administrées séquentiellement avec 4 à 8 semaines d’intervalle, pour améliorer l’efficacité en limitant la toxicité. Si les tumeurs sont en petit nombre, un cathétérisme sélectif d’une ou des artères vascularisant les tumeurs est réalisé. Sélection des patients Les patients ayant une maladie hépatique prédominante, évolutive (même lentement), non résécable ou des symptômes majeurs mal contrôlés sont les meilleurs candidats pour les traitements intra-artériels hépatiques. La présence de métastases pulmonaires, ganglionnaires ou osseuses de faible volume n’est pas une contre-indication absolue. Parmi ces patients, les meilleurs candidats sont ceux ayant une charge tumorale limitée ( 30 %), faites de métastases de TNE de l’intestin moyen, de bas grade, hyper-rehaussées au temps artériel en imagerie. L’insuffisance hépatique est une contre-indication commune à tous les traitements intra-artériels. L’ictère obstructif et les anastomoses bilio-digestives sont surtout contre-indiqués en cas de chimioembolisation ou d’embolisation, car ils exposent à des complications infectieuses à type de cholangite, de nécrose des voies biliaires ou d’abcès hépatique. La radioembolisation serait moins problématique, l’effet emboligène étant moindre du fait de la taille et du nombre de billes injectées, même si le risque n’est pas nul. Une thrombose de la veine porte et l’insuffisance rénale sont également des contre-indications relatives. Les patients présentant une atteinte de plus de 75 % du volume hépatique doivent être traités avec une grande prudence, en ciblant quelques segments du foie à la fois. Enfin, notons des contre-indications liées aux drogues utilisées, une fraction d’éjection 50 % en cas d’utilisation de la doxorubicine et une protéinurie en cas d’utilisation de la strep-tozocine. Après un traitement intra-artériel (qui comme nous l’avons dit est souvent fractionné), l’usage est d’évaluer le patient. Cette évaluation est réalisée 4-6 semaines après le traitement pour les chimio-embolisations ou embolisations, et à 3 mois pour la radioembolisation. Les traitements ultérieurs sont délivrés en fonction de la tolérance au traitement, du temps nécessaire pour que la fonction hépatique revienne à la valeur initiale, de la réponse clinique et de la réponse tumorale dans les territoires traités. En cas de réponse jugée satisfaisante (réponse clinique et biologique, réponse objective en imagerie), il est souvent décidé d’attendre. Un nouveau traitement intra-artériel sera discuté en cas de progression de la maladie (clinique et ou radiologique) jugée techniquement accessible par voie intra-artérielle. En cas de progression non traitable par une telle

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :