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Gynécologie & Sénologie

Publié le  Lecture 14 mins

Chimiothérapies des cancers du sein : moins et mieux - Essai TAILORx

Daniel ZARCA, Marc BOLLET, Marc SPIELMANN, Marc-David BENJOAR, A. RAFII, Institut français du sein, Paris

La publication récente des résultats de l’essai TAILORx(1) a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu de l’oncologie mammaire.
TAILORx confirme et amplifie ce que nous savons depuis des années(2) : des milliers de chimiothérapies inutiles pourraient être évitées en France si l’emploi de la signature génomique Oncotype Dx® se généralisait.
Cette évaluation a cependant été vigoureusement réfutée par certains, qui ont lu dans cette publication une simple mise à jour des connaissances ne nécessitant pas une modification de fond des modes de décision des équipes de cancérologie.
À l’heure où la HAS s’interroge sur l’intérêt médical de chaque signature génomique (ce qui ne sera pas sans conséquences sur les conditions de leur remboursement), le débat nécessite d’être exposé.

À partir de 2005, la prise de décision en oncologie mammaire (en particulier son versant traitement médical adjuvant), s’est essentiellement ordonnée à partir des données publiées dans la métaanalyse de l’EBCTG (3). Globalement, l’usage d’une chimiothérapie diminue le risque métastatique pour toutes les formes de tumeurs et pour toutes les catégories de patientes (N+, N-, RH+, RH-, 50 ans, > 50 ans, etc.). Cette publication a logiquement entraîné une inflation d’indications de chimiothérapies. En reprenant le détail, on pouvait cependant constater que bon nombre de patientes, qui n’avaient pas reçu de chimiothérapie, se portaient bien 5, 10 ou 15 ans après le diagnostic. L’identification des patientes qui pouvaient se passer de chimiothérapie a constitué un sujet oncologique majeur du début de ce siècle. L’utilisation de données de la génomique (c’est-à-dire la mesure de l’expression de certains gènes) a constitué un tournant. De nombreuses signatures ont été développées, basées sur des concepts biologiques divers. En France, 4 signatures, qui possèdent des niveaux de validation et d’utilisation variables, sont désormais accessibles. Ces 4 signatures utilisent des technologies différentes, explorent des gènes différents et classent les patientes de manière différente. Il est donc impossible d’extrapoler les résultats d’une signature vers une autre (4). L’essai TAILORx, dont les résultats étaient très attendus, montre la précision des indications fournies par l’une d’entre elles : Oncotype Dx ®. Oncotype Dx ® Développée par la société californienne Genomic Health, Oncotype Dx ® est une signature qui explore le niveau d’expression de 21 gènes. Oncotype Dx ® est exclusivement indiquée pour les tumeurs RE+ et HER2- (5). Ce test est actuellement le plus utilisé dans le monde (plusieurs centaines de milliers d’analyses ont été réalisées) et s’effectue de manière centralisée (en Californie), à partir d’échantillons de tumeur inclus en paraffine. Il est disponible en France dans certaines structures et peut bénéficier d’un remboursement dans le cadre d’un dispositif transitoire financé par la DGOS (ministère de la Santé) : le RIHN. Les résultats rendus (en une dizaine de jours) comportent un élément principal, le Recurrence Score (RS), exprimé de 0 à 100, qui évalue le risque de récidive. Plus le score est élevé, plus le risque est important. Sont également rendus les niveaux d’expression de gènes codant pour les récepteurs hormonaux et HER2. L’essai TAILORx Bien conduit et de très grande ampleur (plus de10 000 patientes incluses), TAILORx a été supervisé par le National Cancer Insitute (NCI), qui est un organisme dépendant du gouvernement fédéral des USA. TAILORx étudie, à l’aune du test Oncotype Dx ® , le devenir de patientes âgées de 18 à 75 ans, traitées pour un cancer du sein non-métastatique, 5 cm, sans envahissement ganglionnaire axillaire, RE et/ou RP positifs, HER2 négatif (T1-T2, M0, N0, RH+, HER2-). Compte tenu des conditions de la réalisation de l’essai, de sa taille et de son design, les résultats publiés sont probants pour la détermination des patientes qui bénéficieraient d’une hormonothérapie seule ou associée à une chimiothérapie. Ces résultats confèrent à l’utilisaion d’Oncotype Dx ®, dans les condiions de TAILORx, le niveau de preuves maximal : Ia. Dans l’essai TAILORx, les patientes étaient réparties en 3 groupes de risque en fonction du RS (tableau 1). Tableau 1. TAILORx. Caractéristiques des patients incluses dans l'essai. • Bas risque Pour les 1 619 patientes du groupe 1 dont le RS est 11, le traitement standard consistait en une hormonothérapie isolée (tamoxifène ou ani-aromatase) pour une durée minimale de 5 ans. Les premiers résultats sur ce groupe à bas risque, publiés en 2015, ont été confirmés par cette nouvelle publication. Le pronostic est excellent et le demeure avec le recul (97 % de survie sans métastase à 9 ans) : définitivement, les patientes dont le RS est 11 n’ont pas besoin d’une chimiothérapie adjuvante. • Haut risque Pour les 1 389 patientes du groupe 3 dont le RS est > 26, le traitement standard consistait en une associaion chimiothérapie - hormonothérapie (77% de survie sans métastase à 9 ans). • Risque intermédiaire Les 6 711 patientes du groupe 2, dont le RS était compris entre 11 et 25, ont été randomisées : 3 399 ont été traitées par une hormonothérapie seule et 3 312 ont été traitées par une associaion chimiothérapie - hormonothérapie. Résultats de l’essai En dépit de l’ampleur de l’essai, les résultats sont simples à appréhender : • 6 662/9 716 (69 %) patientes > 50 ans Pour ces patientes > 50 ans : aucun bénéfice à l’utilisation d’une chimiothérapie n’a été retrouvé lorsque le RS est 26 (figure 1). • 3 054/9 716 (31 %) patientes ≤ 50 ans Pour ces patientes 50 ans, il convient de placer le seuil d’une discussion sur la chimiothérapie plus bas (à partir de RS ≥ 16 et, plus nettement encore, à partir de 21) : – RS 16-20 : bénéfice de la chimiothérapie = 1,5 % de diminution du taux de métastases (à 9 ans) : – RS 21-25 : bénéfice de la chimiothérapie = 7 % de diminution du taux de métastases (à 9 ans). Globalement, cela signifie que, pour cette population de patientes RH+/HER2-/N0, une chimiothérapie est inutile dans plus de 50 à 60 % des cas. Figure 1.TAILORx. Groupe RS 11-25. Survie sans métastases. En trait rouge plein : paientes ayant reçu une chimiothérapie. En trait noir poinillé : paientes traitées exclusivement par hormonothérapie. Population concernée en France Faute de registre parfaitement tenu, il est impossible de connaître précisément la situation en France. Quels types de cancers du sein traitons-nous ? comment les traitons-nous ? sont des questions sans réponses nettes. Aussi, pour avoir une idée du nombre de nos patientes qui entreraient chaque année dans les critères de l’essai TAILORx (N0, RH+, HER2-), devons-nous extrapoler en compilant des données éparses. • Première manière d’extrapoler : utiliser les résultats d’un essai européen récent, très remarqué, l’essai MINDACT (6). Beaucoup de patientes de MINDACT ont été recrutées en France. L’essai MINDACT cherchait à connaître l’impact d’une autre signature génomique Mammaprint (signature de 70 gènes) sur les décisions de traitement. Les critères d’inclusion dans l’essai MINDACT étaient beaucoup plus larges que ceux de TAILORx : toutes les patientes non métastaiques HER2-, RH+ ou RH- qui avaient moins de 4 ganglions axillaires ateints pouvaient être recrutées. Sur ce vaste groupe, une grande majorité (63 % des patientes) correspondait aux critères de TAILORx (N0, RH+, HER2-). Autre enseignement de l’essai MINDACT, 69 % des patientes de ce groupe N0, RH+, HER2- étaient considérées à bas risque clinique (évaluation à partir de l’algorithme Adjuvant Online modifié), pourcentage tout à fait similaire à celui observé dans l’essai TAILORx (68 %). Les Européens et les Nord-Américains traitent des populations semblables, majoritairement NO, Rh+, hER2-. • Autre manière d’extrapoler, s’accrocher aux estimations publiées par l’INCa basées sur les données du réseau FRANCIM (dernières années évaluées : 2009 - 2012) : 65 % des patientes 75 ans, traitées initialement par chirurgie, seraient T1-T2/N0. Nous ne possédons pas de renseignements sur les caractéristiques histologiques et biologiques de ces tumeurs. Mais il y a lieu de penser que celles-ci sont semblables à celles de MINDACT avec une majorité de tumeurs RE+/HER2- (et donc compatibles avec l’utilisation du test Oncotype Dx ®). Ainsi, nous pouvons raisonnablement en conclure que sur les 59 000 nouveaux cancers traités chaque année en France, environ 25/30 000 seraient éligibles au test Oncotype Dx ®. Nous connaissons, par les données du PMSI (source INCa), le nombre de séjours pour chimiothérapies effectués dans le cadre des traitements du cancer du sein. En 2012, ils représentaient un total d’un peu plus de 520 000 unités (nombre auquel il faut ajouter quelques chimiothérapies effectuées dans le cadre de l’HAD). En revanche, nous ignorons le nombre de patientes concernées et les indications de traitements (adjuvant, néo-adjuvant, récidive). Le nombre de chimio - thérapies effectuées pour les patientes (N0, RH+, HER2-) est également inconnu. À la lumière de l’essai TAILORx, nous allons cependant tenter d’analyser les conséquences de l’introduction partielle ou totale d’Oncotype Dx ® dans la prise de décision. Trois éclairages : – le risque clinique (tel qu’évalué dans l’essai MINDACT) ; – un référentiel initié par les équipes des Instituts Gustave-Roussy et Curie (7) et utilisé par de nombreuses équipes d’Île-de-France (par commodité, nous le nommerons par son ancienne appellation : REMAGUS). Il s’agit ici de la dernière version (2016 – 2017) « publique » mise en ligne après la publication des premiers résultats de l’essai TAILORx (octobre 2015) qui portaient sur le groupe à bas risque (RS 0-10), mais ne tenant pas compte de la seconde publication (juillet 2018) sur le groupe de RS 11-25 (figure 2). Notons que REMAGUS est un outil non contraignant, soumis en permanence à la réflexion des utilisateurs et à l’actualisation de leurs connaissances. La référence à son usage est ici purement dialectique et ne présage pas des décisions effectivement prises au cours des diverses réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) ; – enfin, nous verrons au travers de l’observatoire PONDx les changements de pratique observés au décours de l’utilisation d’Oncotype Dx ®. Figure 2. Extrait du référeniel « REMAGUS » 2016-2017. Appréciation du « risque clinique » par l’algorithme Adjuvant Online (AOL) modifié (tableau 2) Cet algorithme a été utilisé pour la randomisation dans l’essai MINDACT. Il prend en compte la taille tumorale, l’analyse des ganglions, le grade tumoral ainsi que le niveau d’expression des récepteurs hormonaux et de l’HER2. Pour les tumeurs N0, RH+, HER2-, celles de l’essai TAILORx, le haut risque est ainsi défini : – pour les tumeurs grade 1

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